Visite de l’unité mobile d’abattage à Dokkum (Pays-Bas)

 

Le mercredi 3 juillet 2019, une délégation belge s’est rendue à l’abattoir néerlandais de Dokkum, dans le Nord du pays, pour visiter un projet pilote d’unité mobile d’abattage (UMA). L’abattoir de Dokkum a plusieurs activités : un abattoir pour ongulés, une entreprise de désossage à Makkum, un bureau d’achat pour le bétail, une unité mobile de mise à mort, une société de conseil…

https://www.mobielslachthuis.nl/bedrijf/

Copyright des photos : Abattoir Dokkum

Le projet pilote d’UMA

Le projet pilote UMA était en réflexion depuis 2013. Les 3 premières années ont été consacrées à l’élaboration du concept, les trois suivantes, au travail sur les protocoles. Depuis décembre 2018, l’étude-pilote est approuvée et sous la supervision de la NVWA (Autorité néerlandaise équivalente à l’AFSCA belge). L’expérimentation se poursuit en principe jusqu’à la fin août 2019. Il y a régulièrement des moments d’évaluation intermédiaires. Fin août 2019, il appartient de décider si le projet sera renouvelé, si un agrément final est accordé par la NVWA ou si l’étude est abandonnée. L’abattoir de Dokkum a investi à ce jour dans 3 camions UMA et un camion spécial pour l’abattage d’animaux à caractère sauvage.

Composition de l’UMA

L’UMA se compose essentiellement d’un camion équipé d’une remorque avec un hayon élévateur. La remorque comprend, sous le plancher, un réservoir de stockage de 0,5 m³ d’eau potable et un réservoir récoltant le sang et l’eau de nettoyage. Le plancher est constitué d’un caillebotis permettant de laisser passer les fluides vers le réservoir. La structure se compose entièrement de matériaux lavables. Il y a 4 à 5 cloisons transversales permettant d’isoler chacune un bovin.

Préparation de l’abattage au sein de la ferme

L’éleveur qui souhaite faire abattre un animal non-transportable doit faire l’objet d’une pré-visite. Des accords clairs sont conclus. Ainsi, l’animal doit être attaché dans une pièce propre et spacieuse avec de la paille avant l’arrivée du camion. Le bovin doit être propre et ne doit pas être nourri à l’avance avec des aliments fermentés. L’UMA doit pouvoir se positionner suffisamment près de l’étable. L’ensemble du processus ne doit pas être visible de la voie publique. Les personnes étrangères ne sont pas autorisées. Pour le cas des animaux plus sauvages, le protocole est adapté.

Processus d’abattage

Le bovin est dirigé vers l’UMA par l’éleveur ou le personnel d’abattage. Dans cette région où prédomine l’élevage laitier, les vaches de réforme, dociles, sont conduites à la main. Un autre camion est cependant équipé pour les races ou animaux plus sauvages (voie d’accès en entonnoir, cage de contention bien éclairée). Les animaux qui ne peuvent pas se déplacer sont tués sur place et treuillés à l’intérieur du camion. Dans le cas classique, le bovin monte dans le camion, soit en grimpant le hayon (disposé en pente entre le sol et le plancher), soit en étant élevé par le hayon disposé horizontalement.

L’animal est conduit dans la loge faite par les parois du camion et les cloisons transversales. La loge fermée, l’animal est étourdi par l’abatteur grâce à un matador et tombe sur le plancher. L’abatteur vérifie le réflexe de la cornée pour avoir la certitude que l’animal est correctement étourdi. Il ouvre une cloison afin de procéder à la saignée, en tranchant individuellement les deux artères carotides, ce qui provoque des spasmes sur la dépouille. Il referme ensuite la cloison pour préparer le second abattage ou le déplacement du camion. Avant démarrage, le camion est désinfecté, notamment le hayon et le train de roues. L’abattage prend environ 10 minutes par bovin.

Suivi par le vétérinaire

L’ensemble du processus est effectué par une personne. En outre, un vétérinaire de la NVWA est présent pour l’analyse ante-mortem (documents administratifs, température corporelle du bovin, état de santé général et l’hygiène…) et l’inspection du processus. Le vétérinaire est responsable des volets sanitaires et bien-être animal (en Belgique, le bien-être animal est régionalisé, et n’est plus contrôlé par l’AFSCA même si un protocole d’accord prévoit la transmission d’information entre les services de l’AFSCA et l’UBEA). Le vétérinaire suit le camion dans son propre véhicule pour se rendre d’une ferme à l’autre.

Arrivée à l’abattoir

Les camions ont une capacité de 4 à 5 bovins, récoltés sur plusieurs fermes. La remorque est munie d’un système de réfrigération. Les dépouilles arrivent en général dans un délai de deux heures à l’abattoir, comme le prévoit la réglementation européenne pour les abattages d’urgence (dans ce dernier cas, sans réfrigération mais avec l’obligation d’analyses microbiologiques pour garder la carcasse dans la chaine alimentaire). La NVWA réalise des analyses microbiologiques sur les dépouilles, qui n’ont à ce jour pas montré de risques sanitaires. Ces analyses pourraient éclaircir l’utilité ou non de la réfrigération de la dépouille entre la ferme et l’abattoir. A son arrivée à l’abattoir, le camion est parqué dans l’aire de déchargement, où les dépouilles sont extraites à l’aide d’un treuil et directement mises sur le rail qui rejoint le reste de la chaine d’abattage. Le nettoyage complet du camion a lieu et le réservoir contenant les fluides sales est pompé.

Aspects économiques

Selon les gestionnaires de l’abattoir, un abattoir mobile « complet » (comme en Suède) est presque impossible à réaliser et/ou à gérer de manière rentable. L’entreprise s’est investie dans la conversion de camions existants, la construction d’une aire de déchargement pour les dépouilles et l’élaboration des protocoles. L’investissement total dans les infrastructures s’est élevé à 350.000 à 400.000 euros. Il faut noter que les camions peuvent également être utilisés pour d’autres tâches.

Les tarifs suivants sont appliqués à l’agriculteur :

  • 200 euros/bovin pour 1 bovin par emplacement
  • 175 euros/bovin pour 2 bovins par emplacement
  • 150 euros/bovin pour 3 bovins ou plus par emplacement
  • 100 euros pour une euthanasie (si animal hors chaine alimentaire)

Le tarif comprend l’abattage sur place et le transport vers l’abattoir. Il faut encore y ajouter les frais d’abattage classique. A titre de comparaison, le transport d’un bovin vif vers l’abattoir est facturé 60 euros. Le surcoût de l’abattage à la ferme est donc de 90 à 140 euros par bovin.

Il faut noter qu’au contraire des filières classiques, l’UMA permet de valoriser des animaux qui sont consommables mais non transportables. Ceci représente un gain économique pour l’éleveur et contribue à réduire le gaspillage alimentaire.

Une prochaine visite en Allemagne ?

L’Allemagne teste également une unité mobile d’abattage : https://www.schlachtung-mit-achtung.de/

Perspectives pour la Belgique

UMA et abattoirs fixes

L’unité mobile d’abattage représente une solution convaincante pour l’abattage à la ferme. Par rapport à un abattoir mobile complet, les unités mobiles représentent un investissement peu élevé. Ils peuvent travailler avec des abattoirs fixes présentant déjà l’équipement et la place nécessaire pour le traitement des dépouilles. Si la légalité de ces unités mobiles était confirmée, elles pourraient être déployées autour des abattoirs actuels. Néanmoins, le réseau des abattoirs nécessite – encore davantage – d’être maintenu et d’être complété pour que les unités puissent couvrir tout le territoire belge en se trouvant à distance raisonnable des abattoirs fixes. Chaque abattoir ne devrait sans doute pas investir dans une unité, il pourrait être possible d’envisager un investissement commun entre plusieurs abattoirs, avec un travail de l’UMA pour chaque abattoir en fonction des jours de la semaine.

UMA et abattoir mobile

Une autre possibilité est de lier l’UMA à un abattoir mobile complet, ce qui permettrait d’avoir la garantie de couvrir tout le territoire belge, même en cas de fermeture d’abattoirs. Cette option permettrait d’assurer la rentabilité économique du camion d’abattage complet. En effet, le point faible de ce dernier est la difficulté, en allant de ferme en ferme, d’obtenir un nombre suffisant d’abattages par jour pour atteindre une rentabilité économique. L’installation de l’abattoir mobile complet sur une aire fixe (pourquoi pas, contre un atelier de découpe qui prendrait en charge les carcasses ?), réceptionnant les dépouilles amenées par une ou deux UMA’s, pourrait être une solution intéressante.

Quid des abattages d’autres espèces ?

Il serait intéressant d’approfondir les possibilités d’abattage de différents ongulés au sein d’UMA’s. Peuvent-elles être utilisées pour les porcs, les ovins, les caprins et les chevaux ?  Quelles sont les adaptations de structure nécessaires et peut-on imaginer une structure modulable en fonction des animaux recueillis lors de la tournée ? Etant entendu que les animaux de différentes espèces ne peuvent être pris en charge pendant une même tournée de l’unité pour des raisons sanitaires, tout comme c’est le cas dans les abattoirs actuels (nettoyage des installations entre différentes espèces).

Vers une étude pilote belge ?

BioForum Vlaanderen, Odisee et Nature & Progrès rencontreront prochainement différents acteurs pour étudier la faisabilité d’une étude pilote similaire à celle entreprise par l’abattoir de Dokkum en Belgique. L’objectif du projet de recherches est de tester une UMA et de récolter suffisamment de données pour alimenter un dossier de demande d’agrément officiel auprès des autorités de l’Union européenne.

Affaire à suivre !


 

Une réponse sur « Visite de l’unité mobile d’abattage à Dokkum (Pays-Bas) »

  1. espérons que le nouveau gouvernement wallon sera sensible à cette possibilité qui épargne tant de souffrances et de problèmes. Et qui permettrait aussi de garder en Wallonie la « plus-value » (en termes financiers et d’emploi, j’entends…) de ce type d’abattage.
    Merci 1000 fois à Nature & Progrès de s’investir si intelligemment dans cette évolution nécessaire.

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