Vers un renouveau des moulins, maillon faible de la filière céréalière !

La rencontre du 26 avril 2018 à Vielsalm était consacrée au secteur de la meunerie. Saviez-vous que seulement 2 % de la production belge de farines est située en Wallonie ? Grâce à l’intervention de Stéphane Winandy (Diversiferm) (lien vers la présentation), un état des lieux des moulins a été présenté, nous avons ensuite discuté des possibilités de renforcer le secteur grâce à l’intervention de l’asbl Du Grain au Pain (lien vers la présentation).

Une filière céréalière dépendante des importations

La production wallonne de céréales panifiables est très variable d’une année sur l’autre car elle dépend des aléas climatiques lors de la moisson. En 2010, elle était de 211.500 tonnes (et de 13.500 tonnes en Flandre). Les moulins wallons transforment 8 % de ces céréales, soit 17.000 tonnes auxquels on ajoute 3.000 tonnes de céréales principalement flamandes. En Flandre, les moulins utilisent des céréales belges mais aussi et surtout des céréales importées d’autres régions (85 %). Ils transforment près de 1,5 millions de tonnes de céréales panifiables. La production de farines en Wallonie ne représente donc que 2 % du secteur de la mouture belge. Les farines belges sont vendues au consommateur ou transformées par différentes entreprises du secteur agro-alimentaire, mais environ un tiers est exporté. La quantité importée de farines n’est pas connue à ce jour. Le dernier maillon de la filière, le consommateur, utilise environ 104 kg de céréales panifiables en moyenne par an. Pour la population belge, ce chiffre correspond à 1,18 millions de tonnes de céréales panifiables. La consommation belge de céréales panifiables dépend donc d’une part importante d’importation de grains, de farines et de produits transformés.

Schéma flux menunerie.jpg

Filières locales cherchent moulins…

De nombreuses initiatives en circuits courts sont en développement pour renforcer les filières locales. Des producteurs sont prêts à prendre les risques financiers de produire des céréales pour l’alimentation humaine, des boulanger sont prêts à s’investir dans la transformation de céréales locales, de nombreux consommateurs sont demandeurs de produits locaux, en ce compris les céréales… Mais il faut aussi trouver un meunier pour transformer les grains en farines, et c’est souvent sur cette étape que trébuchent les projets. En effet, le meunier est le trait d’union indispensable entre le producteur et le transformateur ou le consommateur !

Les moulins connaissent un nouvel essor en Wallonie !

En 2018, Diversiferm a recensé 20 moulins actifs en Wallonie dans la production (professionnelle) de farines pour l’alimentation humaine. La moitié de ces moulins ont été mis en activité récemment. Certains sont de vieilles bâtisses (souvent des anciens moulins banaux) préservées ou restaurées (Moulin de Cherain, Moulin d’Odeigne, Moulin de Ferrière, Moulin à vent de Moulbaix…). D’autres sont de nouvelles acquisitions, généralement des moulins de petite taille. Il y a au moins 5 projets de création ou réhabilitation de moulins. On peut donc dire que les moulins connaissent un renouveau tout récent… et il était temps !

Carte des moulins Diversiferm.png

Carte des moulins actifs dans le cadre d’une activité professionnelle en Wallonie. En bleu, les moulins avec mouture sur cylindre. Recensement 2018, S. Winandy. Données cartographiques ©2018 GeoBasis-DE/BKG (©2009), Google

Des moulins travaillant sur meule de pierre ou sur cylindre

Les moulins wallons travaillent principalement avec des meules en pierre (75 %), mais ce sont les moulins industriels à cylindres qui réalisent le tonnage le plus important. Les rendements horaires des moulins à cylindres sont beaucoup plus élevés (1 tonne de grains à l’heure, voire beaucoup plus) que la mouture sur pierre (de 20 à 100 kg/h dans la plupart des cas). Néanmoins, le travail avec meule de pierre est réputé pour la qualité de la farine : préservation du germe et moindre échauffement du grain à la mouture. Ces moulins à meules de pierre sont soit d’anciens moulins réhabilités ou qui n’ont pas cessé de fonctionner, soit des nouvelles acquisitions avec du matériel moderne.

La Wallonie compte un moulin travaillant à grande échelle (15.000 tonnes de farine par an), environ 3 moulins travaillant à petite échelle (entre 250 et 1.000 tonnes de farine par an), et de nombreux moulins travaillant de très faibles tonnages (moins de 250 tonnes de farine par an).

Au four et au moulin ?

Une dizaine de moulins ont une activité indépendante, ils peuvent être privés ou ils peuvent travailler à façon. D’autres moulins sont achetés par des producteurs pour valoriser les grains cultivés à la ferme en farines qui sont vendues au consommateur ou à des boulangers locaux. Dans ce cas, on a des producteurs-meuniers (il y en a 8 en Wallonie, par exemple, la Ferme de la Roussellerie qui propose ses farines dans son magasin à la ferme ou sur des marchés) ou des producteurs-meuniers-transformateurs (2 en Wallonie, par exemple, la coopérative Agribio qui propose différents types de produits dont du pain et des pâtes).

Le travail à façon, clé du développement de filières

D’après Diversiferm, 7 moulins wallons travaillent à façon. C’est toutefois beaucoup trop peu pour couvrir la demande, notamment en raison des faibles volumes travaillés par ces moulins. Certains moulins ne travaillent que quelques jours par semaine, certains dépendent du niveau de l’eau* permettant de faire tourner la roue… Mais un autre frein est aussi l’absence de possibilités, pour certains moulins, de stocker le grain avant mouture ou de stocker de la farine en attente d’être transformée par le boulanger. Enfin, dans la filière bio, le moulin doit être certifié, ce qui peut être un frein financier. Il y a six moulins certifiés en bio en Wallonie.

* Les moulins fonctionnent principalement à l’électricité. Notons qu’il existe encore un moulin partiellement actionné par le vent (à Moulbaix) et trois par l’eau.

Comment aider au redéploiement de l’activité de meunerie en Wallonie ?

Savoir-faire

L’asbl Du Grain au Pain propose des conseils pour la rénovation de moulins, des formations à la meunerie (depuis 2015, en collaboration avec le Mouvement d’Action Paysanne et l’Ecole Paysanne Indépendante) et du réseautage permettant des échanges entre les personnes compétentes dispersées un peu partout en Wallonie.

Rentabilité financière

La question de la rentabilité de la meunerie a été discutée. Est-il encore possible de vivre décemment de cette activité en Wallonie ? Il n’existe pas de chiffres à l’heure actuelle mais comme toutes les activités de première transformation, la marge dégagée est peu importante. Pour assurer une juste rémunération au meunier, différentes pistes sont émises. La première est de faire payer au consommateur ou au transformateur (éventuellement via une filière « équitable ») un juste prix, ce qui se répercute généralement sur le prix de la farine (ou du produit fini). Notons que le prix de la matière première intervient souvent peu sur le prix d’un produit transformé. La seconde piste est d’intégrer la meunerie dans le reste de la filière, notamment en ajoutant la transformation en pain, pâtes, biscuits, etc. C’est alors la plus-value sur le produit fini qui permet de faire vivre l’activité dans son ensemble. La troisième possibilité est de considérer la mouture à façon comme un service public, comme c’était (ou c’est) le cas pour les abattoirs communaux. Une part de financement public participe à la rentabilité de l’activité.

Pour la restauration d’un moulin ancien, il devrait être possible de demander des aides au patrimoine. Il serait intéressant de réaliser un état des lieux des possibilités actuelles, et si nécessaire, de demander la mise en place de financements publics pour soutenir la rénovation de moulins. Une aide agricole peut aussi être mise en place et conditionnée par l’obligation de proposer la mouture à façon. L’achat d’un petit moulin avec meule de pierre par un producteur revient approximativement à 15.000 euros pour une capacité de 30 kg de farine par heure. Des aides à l’investissement sont déjà activables pour ce type d’achats, et la mesure sur les hall-relais permet aussi leur acquisition en commun par des groupes de producteurs.

Les coûts des analyses sur la farine, notamment en vue de déceler la présence de mycotoxines, ont été soulevés. Il serait nécessaire de développer des procédures d’autocontrôle pour les petits moulins (ces mesures existent actuellement mais ont été mises en place pour des moulins industriels). Par ailleurs, une mutualisation des coûts d’analyse devrait être pensée pour les petites structures, en effet, les coûts sont davantage liés à la préparation de l’analyse qu’au nombre d’échantillons à analyser.


 

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