Renforcer notre autonomie alimentaire en céréales, c’est possible !

Citoyens, agriculteurs, chercheurs, agronomes, représentants d’initiatives locales et de structures agricoles se sont réunis ce lundi 16 avril à Marche-en-Famenne pour discuter de cette question. En effet, selon les travaux du Centre wallon de recherches agronomiques (CRAW) (étude ALT4CER), une très faible part de notre production de céréales est destinée à l’alimentation humaine. Est-il possible de la renforcer et de revenir vers davantage d’autonomie alimentaire en Wallonie ?


Introduction par Sylvie La Spina (Nature & Progrès) : Lien vers la présentation


 

Présentation de Florence Van Stappen (CRAW) : lien vers la présentation complète

L’étude du CRAW a permis de mettre en évidence les utilisations des céréales wallonnes et le taux de couverture des besoins.

  • Meunerie (food-feed) : 10 % des céréales wallonnes (principalement le froment), couvre 8 % des besoins de la population wallonne
  • Malterie (food-feed) : 1 % des céréales wallonnes (principalement l’orge), couvre 1 % des besoins
  • Alimentation animale (feed) : 45 % des céréales wallonnes, couvre 15 % des besoins
  • Amidonnerie (feed-food-chim) : 26 % des céréales wallonnes, couvre 8 % des besoins
  • Bio-éthanol (fuel-feed) : 18 % des céréales wallonnes, couvre 20 % des besoins

Une très faible proportion des céréales est donc utilisée pour l’alimentation humaine, ce qui signifie que des quantités importantes de froment panifiable et d’orge brassicole sont importées dans notre région pour être transformées (meuneries / malteries).

Est-ce grave ?

Arguments pour un renforcement de l’autonomie alimentaire : il est dommage de faire venir des céréales d’autres régions pour nous nourrir alors que la Wallonie peut en produire, une valorisation alimentaire locale pourrait permettre une meilleure rémunération des producteurs via un soutien des consommateurs amateurs de produits locaux et du lien humain avec le producteurs, des producteurs souhaitent que leurs céréales puissent nourrir l’humain plutôt que du bétail ou le réservoir des automobiles…

Arguments contre un renforcement de l’autonomie alimentaire : la Wallonie atteint d’excellents rendements en céréales fourragères (relation inverse entre rendement et teneur en protéines, cette dernière devant être élevée pour les froments panifiables), les céréales panifiables importées le sont principalement de France et d’Allemagne, régions appartenant au même bassin céréalier que la Wallonie et donc, elles occasionnent un impact du transport moindre. Actuellement, il n’y a plus de valorisation de la qualité panifiable (or les rendements pour la produire sont inférieurs et la technicité est plus fine). Il y a un manque de débouchés pour la transformation (presque toute la transformation a lieu en Flandre). La taille limitée des parcelles occasionne beaucoup d’hétérogénéité des lots, ce qui provoque régulièrement le déclassement en fourrager. Par ailleurs, les coûts de production de céréales destinées à l’alimentation humaine sont plus élevés en Belgique (foncier, main d’oeuvre, coûts de production…), ce qui met en concurrence nos producteurs avec ceux d’autres régions proches ou plus éloignées (Russie, Ukraine). Comment convaincre nos transformateurs de choisir nos céréales ?

Les participants à la rencontre préfèrent que la production de céréales soit davantage destinée à nourrir les habitants locaux. La Wallonie devrait donc renforcer son autonomie en céréales pour l’alimentation humaine.

C’est justement l’un des scenarii analysés par le CRAW dans le cadre de l’étude ALT4CER. Dans cette modélisation, les hypothèses sont les suivantes : une diminution de la consommation de viande de l’ordre de 40 % entre 2010 et 2030 (tendance semblant se confirmer à ce jour), une diminution des rendements de 10 % liée à la réduction de l’utilisation d’intrants (augmentation des coûts et politique environnementale), une meilleure prise en compte des critères de qualité des céréales liés à l’utilisation pour la meunerie/malterie et associée à (et encouragée par) une meilleure rémunération et la contractualisation.

Ce scénario permettrait, à l’horizon 2030, d’augmenter la part de céréales utilisées pour le food (alimentation humaine) de 4 % (en 2010) à 25 %, tandis qu’un scénario tendanciel (prolongation des tendances actuellement observées) prévoit une disparition de l’utilisation « food » des céréales. Si la Wallonie devient autonome pour l’utilisation « food », elle devient, par contre, selon les estimations du CRAW, dépendante dans le secteur « feed », soit pour l’alimentation animale, ce qui implique alors l’importation de grains pour subvenir à ces besoins.


Pour aller plus loin :

Article : État des lieux des flux céréaliers en Wallonie selon différentes filières d’utilisation

Article : Établissement de scénarios alternatifs de valorisations alimentaires et non alimentaires des ressources céréalières wallonnes à l’horizon 2030


Présentation de Georges Sinnaeve (CRAW) : voir article suivant sur la qualité des céréales panifiables


Echanges

La suite des échanges a principalement porté sur le « comment » faire en sorte que les producteurs qui s’aventurent dans la production, plus technique et risquée, de céréales destinées à l’alimentation humaine, puissent à la fois recevoir une rémunération correcte et trouver un transformateur qui utilisera ces céréales. Il a été mis en évidence que de nombreux transformateurs notamment industriels préfèrent se tourner vers des céréales étrangères à plus faible prix, ne voyant pas l’intérêt, dans le cadre actuel du marché, de choisir une céréale locale.

Les initiatives qui mettraient en avant des produits issus de céréales locales doivent être cadrées et contrôlées de manière à éviter les dérives.

La qualité des céréales a été abordée, notamment la nécessité de faire coïncider la production avec les besoins des transformateurs (voir article suivant).


En conclusion

Renforcer l’autonomie wallonne en céréales est possible : les surfaces consacrées à ces cultures en Wallonie ne sont pas un facteur limitant. Actuellement, c’est le manque de rémunération pour des céréales destinées à l’alimentation humaine et la difficulté à trouver un débouché (peu de transformation en Wallonie) qui constituent les principaux freins. Une ré-allocation des céréales vers le food pourra avoir un impact sur les autres utilisations (feed – alimentation animale et fuel – agrocarburants). Pour l’alimentation animale, il est fortement probable que les besoins diminuent étant donné la décroissance de la consommation de viande ces dernières décennies et la réduction des cheptels qui y est associée. Pour le secteur des agrocarburants, qui constitue un autre secteur d’activité, son évolution dépendra des politiques mises en oeuvre dans le domaine de l’énergie et de l’environnement.

Il reste donc l’épineuse question du « comment » renforcer des filières utilisant des céréales locales… A suivre.


 

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