Quelles races pour un engraissement à l’herbe ? Visite de l’élevage Limousin de la Cense de Bergifa

Dans le cadre de nos réflexions sur les races bovines élevées en Wallonie, nous nous sommes fixés rendez-vous le dimanche 18 juin 2017 à 14h à Lierneux pour un après-midi d’information et de réflexion. Après une introduction sur le sujet par Sylvie, nous avons écouté l’exposé d’Arnaud Farinelle de l’asbl Fourrages Mieux sur l’engraissement des bovins à l’herbe, et avons ensuite visité l’élevage de vaches Limousines de Jacques et Jean-Yves Jamoye à la Cense de Bergifa.


Conférence sur l’engraissement des bovins à l’herbe, Arnaud Farinelle (Fourrages-Mieux)

Exposé Arnaud Farinelle – Engraissement à l’herbe

Il est aujourd’hui important pour les éleveurs de renforcer leur autonomie (herbe) et la maitrise de leur filière, en allant vers davantage de produits finis (engraissement). L’engraissement à l’herbe présente donc un enjeu majeur pour nos éleveurs.

Caractérisation et facteurs d’influence de la qualité de la viande

La production de viande peut se caractériser par :

  • La quantité
    • Poids carcasse. Un animal abattu se compose de la carcasse, les issues (cuir, suifs, cornes, sabots…), des abats blancs (estomacs, intestins, pieds, mamelle) et des abats rouges (foie, cœur, poumons, reins, rate, thymus, pancréas, langue, tête entière). La carcasse, qui nous intéresse, comprend la viande et les os. Le rendement carcasse est le rapport entre le poids carcasse et le poids vif. Pour un éleveur qui vend un animal vif / une carcasse, la proportion viande-os n’a pas d’importance contrairement à celui qui valorise lui-même la viande.
    • La quantité des différents morceaux. Les morceaux de viande sont classés en 3 catégories en fonction de leur potentiel de valorisation. En gros, on distingue les pièces utilisables pour le steak (cat.1), les pièces à bouillir (cat.2) et les pièces transformées en haché (cat.3). La classification des carcasses (système SEUROP) tient compte des proportions de morceaux des différentes catégories. Les races montrent de grandes différentes dans la classification des carcasses, par exemple, en Blanc Bleu, on rencontre beaucoup de carcasses classées S (supérieur), en Charolais ou en Limousin, davantage de U (très bon), en Saler, davantage de R (bon) tandis que les vaches laitières de réforme sont souvent en P (médiocre). La classification SEUROP a moins d’importance pour un éleveur qui vend lui-même sa viande en colis ou via une boucherie à la ferme.

 

  • La qualité marchande est liée à la classification des carcasses mais aussi aux qualités sensorielles (couleur, jutosité, tendreté, flaveur) et santé (composition chimique).

Les facteurs d’influence de la quantité et de la qualité de la viande sont multiples. Certains sont liés à l’élevage : la race, l’âge, le sexe, l’alimentation de l’animal, d’autres sont liées au morceau considéré, et enfin, la découpe et la cuisson ont leur importance dans la qualité finale de la viande dans l’assiette.

Alimentation

Les besoins

Les animaux ont besoin d’énergie, de protéines, de minéraux, de vitamines et d’eau. Chez les ruminants, les aliments doivent assurer le bon fonctionnement du rumen. On distingue les besoins d’entretien des besoins de production. Ils dépendent de la race, du sexe, de l’âge, du poids, du niveau de performance de l’animal mais aussi de facteurs extérieurs tels que la météo, le bien-être. Il y a une part de variabilité interindividuelle.

Les besoins d’entretien sont nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme, ce sont les premiers besoins qui sont comblés lors de l’apport alimentaire. Ils dépendent du poids de l’animal, de sa composition (proportion de muscles) et de son activité physique. Si on voulait les réduire au maximum, on devrait choisir des animaux légers, peu conformés et élevés en étable. Néanmoins, des animaux légers n’ont pas forcément la meilleure capacité d’ingestion des aliments, des animaux peu conformés ne donnent pas une bonne qualité de viande et enfin, des animaux gardés en étable ne sont pas nourris avec l’herbe fraiche qui est l’aliment le plus riche et le plus économique qui peut leur être donné via le pâturage. Tenter de réduire les besoins d’entretien n’est donc pas forcément le bon plan. Par contre, il est important de choisir des animaux avec des bons aplombs afin qu’ils soient bien adaptés au pâturage.

Une capacité d’ingestion importante est un avantage pour une meilleure valorisation de l’herbe, et est donnée par le développement thoracique de l’animal. Au niveau des races, celles présentant les plus grandes capacités d’ingestion sont la Salers > Charolaise – Limousine > Blonde d’Aquitaine > BBB.

Les apports

Les apports tendent à, au minimum, combler les besoin d’entretien, et mieux, à remplir les besoins de production des animaux.

Les apports dépendent de :

  • La quantité ingérée, elle-même dépendante de la capacité d’ingestion de l’animal, de la quantité d’aliment disponible et de l’appétence de cet aliment.
  • La teneur en nutriments des aliments ingérés

La race bovine impacte les besoins d’entretien et les performances et la capacité d’ingestion. Toutefois, ces facteurs sont également impactés par de nombreux choix d’élevage : la sélection au sein d’un élevage peut impacter le format des animaux (poids et capacité d’ingestion). Les performances sont liées directement aux objectifs de production choisis par l’éleveur. La bonne gestion de l’herbe définit la qualité nutritionnelle de l’aliment, la quantité disponible et son appétence. Il fait noter que l’herbe fraiche est la plus riche (par rapport aux ensilages et foins) et mieux adaptée aux besoins des bovins.

L’herbe peut-elle assurer à elle seule les apports nécessaires à l’entretien et à l’engraissement ? Engraissement 100 % herbe, est-ce possible ?

En fonction de son mode de gestion, l’herbe pâturée peut être riche. Elle répond la plupart des temps aux besoins des animaux. La finition demande néanmoins un apport complémentaire d’énergie (production de gras), apporté soit par des céréales, soit par de la pulpe de betteraves (pas disponibles en bio). Le printemps est la meilleure période pour valoriser l’herbe : même si une bonne gestion du pâturage peut garantir des valeurs énergétiques et protéiques à peu près constantes durant toute l’année, l’herbe est généralement plus disponible au printemps (pousse de l’herbe plus importante et meilleur appétence), les conditions climatiques sont également plus favorables aux animaux (l’été est généralement trop chaud) et, enfin, l’herbe est souvent mieux digérée (une herbe d’automne est souvent riche en protéines solubles, ce qui accélère le transit de l’animal et l’empêche de valoriser pleinement l’énergie contenue dans l’herbe). Elle peut alors constituer une bonne base de ration moyennant un complément énergétique.

Niveau de performance des animaux

Lors de son développement, le jeune bovin va produire, successivement, des tissus nerveux, osseux, musculaires puis adipeux. Etant donné qu’il faut davantage d’énergie pour faire du gras que pour faire du muscle, les besoins énergétiques augmentent avec l’âge. Un abattage jeune permet une finition plus facile.

La précocité est un paramètre important pour les performances d’engraissement des bovins. En effet, un animal précoce dépose plus rapidement du gras, il demande donc davantage d’énergie pour un même gain de poids. Une race tardive ou intermédiaire serait donc à privilégier pour un engraissement à l’herbe plus économique en apports énergétiques.

De plus, l’état d’engraissement à l’abattage des races précoces est souvent très important ; ceci ne correspond généralement pas aux produits consommés dans nos régions (Europe occidentale, hormis les pays britanniques). Enfin, la plus grande partie de l’énergie distribuée aux animaux de races précoces ayant servi à faire de la graisse, leur poids (ou du moins la quantité de viande valorisable sur l’animal) aura tendance à être faible.

Les races précoces sont les Holstein, Angus et Hereford. Les tardives sont les Charolaise, Limousine, Blonde d’Aquitaine et BBB. Les intermédiaires sont les Salers, Normande, et souvent les croisées.

Les femelles arrivent plus vite à la puberté, deviennent plus vite grasses mais ont une meilleure flaveur. On privilégierait donc les mâles, qui ont par ailleurs une croissance plus rapide, si on voulait réduire les apports énergétiques d’engraissement. Les bœufs sont intermédiaires entre les femelles et les mâles sur ce point.

Le type de gras déposé est également variable en fonction de la croissance de l’animal. Le premier à se développer est le gras interne, puis le gras intermusculaire, puis le gras de couverture et enfin le gras intramusculaire. Le développement de ces types de gras dépend de la race, du sexe et de l’âge de l’animal.

Pour un engraissement à l’herbe facile, un éleveur devrait donc choisir une race tardive, l’engraissement de mâles et un abattage jeune. Néanmoins, ce choix n’est pas optimal en ce qui concerne la qualité du produit : le gras intramusculaire, augmentant avec l’âge, donne davantage de flaveur, et les génisses et bœufs sont plus tendres, plus juteux et ont plus de flaveur.

Réflexion sur la race

Afin d’optimiser l’engraissement à l’herbe, un éleveur devrait choisir une race tardive, avec une capacité d’ingestion élevée et de bonnes aptitudes au pâturage, notamment au niveau des aplombs. Il peut choisir une race pure mais aussi se tourner vers le croisement. Enfin, il convient de considérer les possibilités de commercialisation du produit.

Pour toute question, n’hésitez pas à contacter Arnaud Farinelle chez Fourrages-Mieux (farinelle@fourragesmieux.be ; 0496/80.11.61)


Ferme de Jacques et Jean-Yves Jamoye (Cense de Bergifa)

Descriptif

Deux ans après la reprise de l’élevage de Blanc Bleu Belge de son père en 1995, Jean-Yves Jamoye a décidé de liquider le troupeau pour passer à la limousine, et par la même occasion, convertir la ferme en bio. Aujourd’hui, Jean-Yves élève 110 bêtes dont 45 mères et une vingtaine de taureaux sur 65 hectares de prairies pâturées et fauchées. Les mots-clés : autonomie et valorisation en circuit court.

Critères de sélection

La Limousine a été choisie pour sa rusticité, réduisant significativement les frais vétérinaires. Le vêlage des Limousines est cependant sous haute surveillance : elles sont sensibles à la rétroversion de la matrice (sortie de l’utérus pendant le vêlage), ce qui se produit environ chez 3 vaches par an à la Cense de Bergifa. Un critère de sélection est donc la facilité de vêlage, mais aussi la croissance et la conformation, la capacité d’ingestion et les capacités d’allaitement des mères en vue d’obtenir de gros veaux.

Abattage

Les taureaux sont généralement abattus vers 24 mois. Ils font alors environ 700 kg, dont 430-450 kilos carcasse, soit un rendement carcasse d’environ 60 %. L’abattage des bêtes a lieu à Awans-Aywaille chez Mosbeux. Cet abattoir est certifié bio et propose un service de découpe en collaboration avec un boucher. Les pièces sont emballées sous vide et les préparations sont réalisées à la ferme dans un atelier agréé AFSCA et certifié bio.

Débouchés

La viande est valorisée en colis, burgers et préparations (sauce bolognaise, plats préparés, boulettes pur boeuf, saucisses, hamburgers). Toute la carcasse est valorisée. Si les rôtis rencontrent moins de succès auprès des consommateurs, ils sont transformés en viande hachée.

Les débouchés principaux sont la vente directe à la ferme sur commande, la vente sur les marchés (marché d’été de Vielsalm), l’approvisionnement de GACs et de Point Ferme, de deux restaurateurs et un Food Truck qui effectue notamment une grosse commande pour les Festival des Ardentes (6.000 hamburgers / an). Les vaches de réforme vont vers la filière BEA commercialisée chez Delhaize.

Toute la famille (Jean-Yves, son épouse Laurence et leurs 4 enfants) prend part aux différentes étapes de la vie à la ferme, au niveau de l’exploitation, de l’atelier, du gîte ou des marchés.

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Pour plus d’infos sur la Cense de Bergifa, lien vers un reportage de Nature & Progrès dans le cadre de l’étude « Manger des protéines animales ? »


 

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