La Bleue mixte, une race locale d’avenir

Samedi 20 mai, dans le cadre de notre questionnement par rapport aux races bovines élevées en Wallonie, une rencontre sur la race Bleue mixte a été organisée à Feluy. Suite à une introduction du projet et du sujet, une conférence de Géry Glorieux (Awé) a permis d’en savoir davantage sur cette race, avec la participation et le témoignage de plusieurs éleveurs. La matinée s’est poursuivie par la visite de la ferme de Daniel Boddez, éleveur bio de vaches de races Holstein et Bleue mixte.


Races hyperspécialisées ou races mixtes ?

Après un bref historique de l’évolution des races bovines dans nos régions, la question du choix des races hyperspécialisées (Holstein – BBB) par rapport aux races mixtes a été posée. En effet, selon un chercheur de l’Institut de l’élevage français, deux Normandes équivalent à une Holstein et une Charolaise en termes de production de lait et de viande. Sachant que les races hyperspécialisées rencontrent couramment des besoins nutritifs plus importants et une moins bonne rusticité, pourquoi ne pas redévelopper l’élevage de races mixtes, valorisant davantage les herbages et permettant une meilleure autonomie (et rentabilité ?) des fermes ?

Selon les participants, tous éleveurs de Blanc Bleu mixte, l’avantage des races mixtes est évident mais il faut prendre en compte que pour une même quantité de lait, le nombre de vaches traites est plus important (temps de traite ? investissements fixes dans l’étable ? …) et le travail, particulièrement la surveillance des vêlages, est plus important. En effet, la Blanc Bleu mixte (ou Bleue mixte) présente une hétérogénéité dans la proportion du caractère lait/viande. Daniel Boddez souligne que les vêlages sont faciles pour ses vaches, mais un autre éleveur ayant davantage de conformation pratique encore un pourcentage de césariennes (voir données technico-économiques plus loin). Il convient dès lors d’estimer la structure de l’élevage en fonction de la rentabilité des ateliers lait et viande. Les races mixtes présentent beaucoup d’intérêt mais sont considérées comme un retour en arrière par beaucoup d’éleveurs.


Performances technico-économiques de la Bleue mixte

Géry Glorieux, adjoint à la direction de l’Association wallonne de l’élevage (Awé), a travaillé sur le projet BlueSel dans le cadre d’Interreg IV. Il suit depuis plusieurs années les performances et le développement de la Bleue mixte. Il nous a présenté les performances technico-économiques de la race.

Lien vers la présentation PPT

Lien vers le rapport technico-économique complet 

Historique de la race

La Blanc Bleu mixte est une race de moyenne et haute Belgique. C’est en 1973 que la race fut divisée en deux rameaux, viandeux (suite au développement du caractère culard) et mixte. La Blanc Bleu mixte a été sélectionnée pour la production laitière et de viande, pour la rusticité, la longévité, le caractère naturel des vêlages et un intervalle de vêlages court. La mixité est variable selon le gène mh, gène récessif du caractère culard. +/+ et mh/+ sont des individus davantages laitiers, mh/mh sont des individus davantage viandeux.

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Soutien et effectifs

La Bleue mixte est soutenue depuis 1999 via les mesures agri-environnementales (protection des espèces menacées de disparition). Elle a fait l’objet en 2004 d’un projet de la Région wallonne. En 2007, des restrictions de l’accès au pédigrée ont été mises en place (nécessité du père connu) et en 2008 a démarré le projet BlueSel. Le projet reposait sur cinq actions : la sauvegarde et la sélection, une indexation génétique transfrontalière, la constitution de références technico-économiques, la création d’un produit propre à la race (le pavé bleu) et la communication. Une demande de financement pour lancer un nouveau projet est en cours. Le projet porterait sur la valorisation de différents produits mettant en avant la Bleue mixte.

Le nombre de bovins de race Bleue mixte déclarés a augmenté fortement entre 1999 et 2006 puis s’est stabilisé à environ 3.000 têtes de bétail (données du contrôle laitier) en Wallonie. La Flandre en comprend environ 600 et la France (Bleue du Nord), 560. La Bleue mixte est concentrée dans la moitié Ouest de la Wallonie et dans la région limitrophe en France, mais des élevages sont également recensés en province de Liège et de Luxembourg.

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Production de lait

La production de lait moyenne de la Bleue mixte est de 4.500 litres (environ 5.000 litres pour la prédominance laitière et 4.000 litres pour la prédominance viandeuse). Parallèlement, une vache de race Holstein produit 8.000 à 9.000 litres de lait par lactation. Le lait de la Bleue mixte présente un taux butyreux moins élevé que la Holstein, ce qui réduit sa valorisation à la laiterie (10 à 30 euros / 1.000 litres de lait) et la qualité fromagère du lait. Le taux protéique est comparable à celui de la Holstein.

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Production de viande

La viande apporte en moyenne 20 à 25 % du revenu de l’élevage de Bleue mixte. Entre 2007 et 2010, la valorisation viande de la BBmixte était de 2,07 euros le kg (contre 2,65 euros le kg pour la BBB étant donné sa meilleure conformation).

Selon une enquête menée auprès de 30 éleveurs de BBmixtes en 2015 :

  • Valorisation des veaux viandeux : jusque 800 euros
  • Valorisation des veaux laitiers : 150-300 euros
  • Valorisation des vaches de réforme : 800-1.000 euros (6/7 ans pour les viandeuses et 10/12 ans pour les laitières)
  • Valorisation des vaches engraissées : 1.200-1.900 euros

Les prix sont très variables d’une année sur l’autre, d’un marchand à l’autre et en fonction de la sélection faite dans le troupeau.

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Rusticité

Le taux de renouvellement est plus important en spéculation viande car on peut mieux valoriser les veaux et vaches de réforme.

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Le taux de césariennes est en moyenne de 15 % pour les vaches à prédominance laitière et 35 % pour les vaches à prédominance viandeuse. L’intervalle de vêlage est plus élevé en production viandeuse (césarienne ou allaitement du veau). Il est globalement moins élevé chez la Bleue mixte. Le taux de mortalité est le plus faible chez la Bleue mixte, particulièrement en cas de naissance par césarienne ou naturelle sans traction du veau.

Frais d’élevage : alimentation

Les frais alimentaires sont moindres étant donné l’excellente valorisation des fourrages de la Bleue mixte. Sur un échantillon de fermes BBm et Holstein, la quantité de concentrés a été comparée : en moyenne 1,5-2,0 T / UGB de Holstein contre 0,7 T / UGB de BBm.

La BBmixte valorise mieux les surfaces en herbe. Elle permet une meilleure rentabilité en dominance élevage basé sur l’herbe. Elle est moins rentable en système intégrant davantage de cultures. La Bleue mixte est la mieux valorisée dans les systèmes fourragers intensifs avec beaucoup d’herbe (+ de 75 % de la SFP) ou extensifs (- de 15 % de maïs).

Notes complémentaires issues du dossier technico-économique :

  • Selon d. Knoden, l’herbe est suffisante en énergie (VEM) et protéines (DVE) pour produire 4.500 litres de lait par an. Il est important de gérer la qualité de l’herbe tout au long de la saison et récolter des fourrages de qualité pour la période hivernale.
  • L’autonomie fourragère est plus facile à atteindre avec une race mixte : bon rapport entre capacité d’ingestion et valeur alimentaire des fourrages, gabarit mieux adapté au pâturage

En dominance élevage

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En dominance polyculture – élevage

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Frais d’élevage moyens : 54 euros par UGB (fermes de 120 UGB en moyenne).

Avantages et inconvénients de la race

Enquête de 2015 auprès de 30 éleveurs de BBmixte

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Analyse SWOT

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Enjeux de sélection

L’on recherche actuellement chez la Bleue mixte une amélioration du taux butyreux, de la conformation et de la facilité de vêlage.


Témoignage de Vincent Vandromme

Mr Vandromme, éleveur à Boussu-lez-Walcourt, est venu témoigner de la valorisation viande de la Bleue mixte de type mh/mh. Présentation détaillée de l’élevage : https://www.awenet.be/awe/userfiles/file/we/articles/PDF%20173%2009%202011.pdf

 

 


Visite de la ferme BIO de Daniel et Danielle Boddez

Une ferme laitière au milieu des cultures…

Daniel et Danielle gèrent une ferme à Feluy (Seneffe, nord-est du Hainaut), au milieu des terres limoneuses, terres de cultures par excellence. Anciennement, la ferme était en polyculture (froment, betterave, chicorée, maïs) avec l’élevage d’un petit troupeau de Blanc Bleu Mixte à tendance laitière. A la reprise de la ferme en 1987, Daniel et Danielle ressentent la pression des laiteries qui ne souhaitent plus se déplacer dans la région pour récolter le peu de lait produit. Ils doivent alors prendre une décision : agrandir le troupeau ou abandonner l’élevage laitier. La situation de la ferme au bord de l’ancien canal impose une vingtaine d’hectares en prairies permanentes. Le maintien de l’élevage semble donc la meilleure solution pour la valorisation des surfaces enherbées. Ils complètent leur troupeau avec des Holstein pour arriver aujourd’hui à 66 vaches productrices et 72 jeunes bêtes, dont environ 65 % de Holstein et 35 % de BBM. L’achat de quota couplé à l’agrandissement progressif du troupeau par reproduction a permis d’atteindre à l’heure actuelle une production de 370.000 litres. En bio depuis 2012, l’élevage se base sur l’autonomie alimentaire en valorisant prairies permanentes, prairies temporaires et cultures.

La Blanc Bleu Mixte

La BBM est une race que Daniel affectionne particulièrement.  Elle était déjà présente dans la ferme avant 1955. Il y a donc un attachement nostalgique et sentimental à la race. Cette vache est rustique, fertile et bien adaptée à nos conditions pédo-climatiques. Elle valorise bien l’alimentation herbagère dans une ferme en autonomie alimentaire. Leur engagement Bio implique le maintien de la biodiversité, la Bleue mixte menacée de disparition en fait partie. Le programme Bluesel qui propose un (ou des) produit transformé lié à la race, ce qui ravit Daniel et Danielle. Leurs deux enfants s’intéressent à la ferme et pourraient envisager une transformation laitière.

 L’atteinte de l’autonomie alimentaire

 Daniel et Danielle sont satisfaits de leur passage en bio. Ils ont atteint l’autonomie alimentaire grâce à leurs prairies permanentes, temporaires et les cultures fourragères. L’assolement 2017 est le suivant : 25 ha de prairies permanentes et 5 ha de prairies temporaires (Sencier n°4) pâturées, 10 ha de mélange luzerne – dactyle – fétuque élevée, 11 ha de mélange Sencier n°4 et 4 ha de Sencier n°3. Daniel est heureux de ne plus avoir à acheter du soja. Il est persuadé que l’autonomie protéique n’est pas un problème en bio grâce à la richesse en trèfle des prairies. Ce sont surtout les aliments riches en énergie qui sont important, notamment dans les régions froides où l’arrivée à maturité des céréales est plus périlleuse. Daniel insiste sur l’importance du foin dans l’alimentation des vaches laitières. Le foin donne de la structure, notamment au printemps lorsque l’herbe du pâturage est tendre, et permet ainsi une bonne digestion des aliments. Enfin, comme de nombreux agriculteurs bio, Daniel a pu observer une amélioration flagrante de l’état de santé de son cheptel grâce à une alimentation plus saine du troupeau.


 

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