Notre dossier lait est à présent finalisé !
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Résumé
Dans le cadre du projet « Echangeons sur notre agriculture » de Nature & Progrès, citoyens et éleveurs se sont rencontrés afin de discuter de la situation du secteur laitier en Wallonie et d’émettre ensemble des solutions pour l’avenir. Douze pistes sont ressorties des échanges à l’occasion des cinq soirées-débat, des neuf visites de fermes et fromageries et du sondage. Elles touchent à l’ensemble du secteur laitier : marché du lait, production, valorisation et filières courtes et longues.
Si une seule piste n’apportera pas la solution à l’ensemble des producteurs et des consommateurs, une combinaison de différentes pistes permet de dresser un modèle d’avenir pour le secteur laitier.
Au niveau du marché, producteurs et citoyens sont unanimes sur la nécessité de relocaliser la production alimentaire. En effet, l’évolution de la politique agricole européenne va vers une mondialisation des échanges, concrétisée par les accords de libre-échange, menant à une délocalisation progressive de la production alimentaire vers les zones les plus favorables et généralisant l’exportation. Cette évolution est jugée inacceptable : il est en effet capital de conserver un lien entre l’amont et l’aval de la chaîne alimentaire pour des questions de confiance, de solidarité et de qualité des produits. Les marchés mondiaux sont volatiles et peu rémunérateurs pour nos producteurs. La mondialisation des échanges touche à la souveraineté alimentaire des pays, ce qui est inadmissible pour les participants aux rencontres.
Parmi les solutions les plus appréciées se trouve l’évolution de l’élevage laitier vers davantage d’autonomie et un système basé principalement sur l’herbe, via une optimisation des ressources disponibles sur la ferme (pâturage, fourrage, cultures). Des fermes modèles ont été visitées et montrent les intérêts multiples de cette démarche : réduction des coûts de production, réappropriation de la qualité des intrants, impact positif pour le climat, élevage correspondant mieux aux attentes sociétales… Ce mode d’élevage, s’il est suivi en Wallonie, provoquerait une réduction de la production laitière tout en améliorant la qualité du lait et la rentabilité de la majorité des fermes. Etant donné la surproduction de lait en Belgique et en Europe, principalement écoulé sous forme de poudre de lait et résultant en une baisse du prix au producteur, cette diminution de la production permettrait d’améliorer la situation du marché.
Le lait issu d’élevages autonomes à l’herbe est de meilleure qualité : il mérite d’être valorisé à sa juste valeur ! Le lait de boisson peut porter un label local, équitable, à l’herbe… de manière à être connu et reconnu des consommateurs, mais surtout, le lait peut être transformé en produits à plus-value tels que les fromages. La Belgique ne produit aujourd’hui que 38 % de sa consommation de fromages. La dernière assemblée sectorielle du secteur laitier a mis en évidence que, lors des campagnes de promotion sur les fromages wallons de l’APAQ-W, les crémiers tombent régulièrement à court de stock. La valorisation du lait en fromage permettrait une meilleure rémunération des producteurs, sans parler de leur fierté de participer à l’élaboration de produits bien plus valorisants que la poudre de lait dont on ne connait ni la destination géographique, ni le produit fini.
Aujourd’hui, 3 % du lait belge part dans les filières courtes. Ce créneau, souvent qualifié de niche, accueille néanmoins 514 producteurs fermiers en Wallonie, soit un éleveur laitier sur sept ! Il permet une meilleure maîtrise de la vente des produits transformés sur la ferme avec une partie du lait produite, le reste allant à la laiterie. D’après les producteurs fermiers rencontrés, le circuit court est loin d’être saturé : la demande pour des produits laitiers locaux ne cesse de croître, et les canaux de distribution connaissent un fort développement parallèle, permettant une meilleure accessibilité logistique.
D’autres possibilités existent pour ceux qui ne souhaitent pas se lancer dans la transformation laitière à la ferme. Le développement de fromageries coopératives récoltant leur lait dans des fermes wallonnes en autonomie, est une réelle opportunité pour le secteur laitier wallon. Deux modèles inspirants sont la Fromagerie du Gros Chêne à Méan et la Fromagerie du Bairsoû à Trois Ponts, travaillant toutes deux avec une coopérative de producteurs laitiers bio, Biomelk-Biolait, qui assure, via un transporteur, le ravitaillement en lait des fromagers.
Des solutions existent aussi pour les filières longues. Si actuellement, les différents maillons poussent les prix vers le bas afin de fournir aux consommateurs des produits bon marchés, une initiative française vient renverser l’idée reçue que le consommateur opte avant tout pour le prix le plus bas. « C’est qui le patron – La marque des consommateurs » a démontré avec brio que les consommateurs sont prêts à acheter plus cher les produits alimentaires à condition d’avoir davantage de transparence sur le mode de production et de transformation, et même mieux, de décider de leur filière.
En conclusion, deux enjeux majeurs se dessinent pour l’avenir de l’agriculture wallonne : impliquer le consommateur dans son évolution en tant que réel partenaire de développement et favoriser la collaboration des producteurs et consommateurs au sein de coopératives permettant de développer les outils de relocalisation des filières. Ensemble, producteurs et consommateurs souhaitent reprendre en mains leurs filières : il reste à développer les outils leur permettant de travailler ensemble à l’avenir de l’agriculture wallonne.
La Wallonie offre un terreau idéal pour le développement de filières laitières autonomes. Elle possède en effet des herbages de qualité et une technicité importante avec l’existence de centres de formation, de recherche et d’encadrement reconnus. De nombreux producteurs et artisans ont mis en place des modèles innovants, source d’inspiration pour le secteur laitier. Les consommateurs sont demandeurs de produits de qualité et aujourd’hui, le secteur fromager wallon présente de réelles opportunités de développement. Producteurs et consommateurs, l’avenir est dans nos mains !
Sylvie La Spina—Nature & Progrès Belgique