Dimanche 4 septembre avait lieu au Salon Valériane Namur, rendez-vous incontournable des acteurs du bio, une table-ronde sur le passé, le présent et l’avenir de l’agriculture biologique. C’était l’occasion pour les participants de prendre de la hauteur sur le secteur bio en Wallonie et en Europe et de mener une réflexion sur le futur de la Bio. Voici un petit résumé des échanges.
Le label bio a 25 ans cette année. En effet, le premier cahier des charges européen pour l’agriculture biologique a été adopté en 1991. C’est ce document qui protégera désormais l’appellation bio : il définit les règles de production, de contrôle et d’étiquetage bio en Europe. Plusieurs compléments et modifications de la réglementation ont été ajoutés à ce jour.
En 1991, la Wallonie comprenait 50 producteurs bio sur 807 hectares, tandis qu’en 2015, les chiffres ont grimpé à 1.347 producteurs sur 63.437 hectares, soit 10 % de la production agricole wallonne ! La progression du Bio, de la production à la consommation des ménages, s’accélère d’années en années.
Comment les acteurs du Bio ont-ils vu l’évolution du secteur en Wallonie ? Qu’est-ce qui les a marqués ? Nous avons posé la question à quatre invités.
Damien Winandy, Directeur de la Direction de la Qualité au Service Public de Wallonie, autorité compétente dans la négociation de la législation européenne, dans l’application de la réglementation en Wallonie et la supervision des organismes de contrôle. Parmi les évolutions, Monsieur Winandy note l’importance de la protection du terme « bio » par la réglementation européenne, mettant fin aux abus d’utilisation de l’appellation. Il souligne également que si l’on croyait auparavant que la Bio serait une mode passagère, on constate aujourd’hui que ce mode de production est définitivement inscrit dans le paysage agricole wallon !
Daniel Collienne, agriculteur bio à Sprimont. Si le terme bio est porteur, malheureusement, Daniel regrette qu’il soit aussi utilisé dans d’autres domaines que l’alimentaire où l’appellation n’est pas protégée, portant à confusion : « bio »carburants, textiles… Daniel raconte également son histoire : il a passé son élevage laitier en bio en 1998 pour répondre aux attentes de la société. Finalement, il n’a dû changer qu’une chose à sa manière de travailler : la fertilisation. Daniel était déjà très bio, sans même le savoir !
Blaise Hommelen, directeur de Certisys, organisme de contrôle bio actif en Wallonie. Il souligne que, grâce à un travail permanent sur la législation, le label bio couvre actuellement tous les secteurs de production alimentaires comme les algues, les levures… mais aussi la transformation des produits. La reconnaissance officielle a permis d’offrir la garantie au consommateur d’un certain mode de production, mais elle a aussi permis le développement du secteur grâce à l’intérêt de la recherche agricole, aux aides…
Marc-André Henin, agriculteur bio à Pondrôme. Il raconte l’histoire de sa ferme, située dans les terres relativement pauvres de Calestienne. Son père, comme chaque agriculteur à l’époque, avait intensifié sa production en mettant davantage d’engrais, de phytos, mais a observé une réduction de ses rendements. Il a dès lors commencé une réflexion sur une agriculture raisonnée, qui s’est naturellement muée en agriculture bio. Aujourd’hui, l’élevage laitier sur 75 hectares fournit de l’emploi à 4 personnes, dans la production de lait et la transformation en (délicieux) fromages.
Nous avons ensuite parlé d’avenir : la réglementation européenne s’apprête à évoluer. Muriel Huybrechts, travaillant au Service Opérationnel du Collège des Producteurs, a présenté le projet de nouveau règlement bio.
La Commission a décidé de réviser la réglementation européenne en partant de différents constats : le doublement des surfaces bio en Europe depuis 1999, les préoccupations des consommateurs, la complexité des règles d’étiquetage, des lacunes dans le système de contrôle, l’existence de dérogations devenues injustifiées et l’importance des contraintes administratives.
Après la proposition en mars 2014 d’un texte par la Commission, en juin 2015 a été émise une contre-proposition par le Conseil, puis en octobre 2015, le Parlement a également réagi sur les textes. Actuellement, des discussions ont lieu en trilogue pour tenter d’aboutir à un compromis. La publication est prévue avant fin 2016, et l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2017.
La présentation de Madame Huybrechts reprend en détails les points du règlement en discussion et les propositions des différentes instances. Le secteur bio wallon s’est réuni à différentes reprises afin d’émettre un avis sur ces textes. Si le projet de règlement bio européen progresse sur certains points (repris en vert dans la présentation), il semble néanmoins régresser sur d’autres (repris en rouge), ce qui inquiète le secteur bio wallon.
Comment nos invités voient-ils l’avenir du secteur bio ?
Blaise Hommelen voit deux enjeux principaux pour les prochaines années : lors des évolutions de la réglementation, maintenir les normes en accord avec la philosophie de l’agriculture biologique, et lutter contre les fraudes.
Damien Winandy exprime l’importance de maintenir une règlementation biologique rigoureuse, rencontrant les attentes des consommateurs. Il est nécessaire de garder un système cadré, harmonisé et contrôlé au niveau européen. Il est aussi important que l’agriculture biologique continue d’offrir un prix équitable aux producteurs.
Daniel Collienne souhaite voir la mise en place d’une plateforme de discussion entre tous les acteurs de l’agriculture biologique. Etant donné l’évolution du secteur, il met également en garde à ne pas tomber dans les travers de l’agriculture conventionnelle en ce qui concerne la perte d’autonomie et la dépendance aux marchés.
Marc-André Henin voit de manière très positive l’intérêt des responsables politiques pour le développement de l’agriculture biologique et met en avant l’importance de communiquer vers le consommateur. Il insiste également sur l’importance de ne pas alléger le règlement européen pour garder la confiance des consommateurs. Par ailleurs, ce règlement devrait rester une base mais non une fin en soi. Marc-André souligne l’importance que le producteur engagé dans le bio se différencie également sur d’autres plans relatifs à la durabilité de la ferme, à l’autonomie et à l’équité.
Actuellement, les producteurs bio décidant d’aller plus loin que le règlement bio européen peuvent adhérer à la charte Nature & Progrès. Regroupant actuellement une soixantaine de producteurs et transformateurs bio, la charte Nature & Progrès propose quatre axes dans lesquels les adhérents développent une démarche proactive : « naturel, origine, énergie et social ». Le label Nature & Progrès est par ailleurs en cours de révision afin d’y intégrer un cahier des charges complémentaire renforçant davantage la cohérence avec la philosophie de base de l’agriculture biologique pour une Bio plus équitable, autonome, locale et collaborative.
La table-ronde se termine avec quelques échanges entre les invités et le public.
Liens :
Présentation générale de la table-ronde
Présentation de Mme Huybrechts sur le projet de règlement européen
En savoir plus sur la charte Nature & Progrès Belgique
Merci pour l’intérêt que vous portez à notre démarche !
Belle journée,
Sylvie
Bonjour,
Merci pour ce compte-rendu très intéressant. C’est même la première fois que je comprends tous les enjeux de la démarche de « Nature et Progrès » par rapport au Bio européen! Merci encore pour cela.
Bio-cordialement,
Annie Grégoire
(Responsable de la gestion et coordination du GAC de Lasne – mail: paniersbio@gmail.com)