Nous avons rencontré Remi et Vera Hardy le mardi 7 juin 2016 à l’occasion du cycle de visites de fermes et fromageries coopératives modèles en autonomie pour l’élevage laitier wallon.
Remi a repris la ferme de son père en 1985. Même s’il a grandi à la ferme et a aidé ses parents aux travaux quotidiens, il n’était pas vraiment passionné par le métier ni réellement connaisseur point de vue technique. Peu convaincu par le modèle conventionnel et ses montagnes de beurre et de poudre de lait, il décide de passer en bio en 1998 lorsque c’était financièrement possible. Et ce fut une révélation avec la rencontre de Michel Sencier, agronome français qui conseillait les agrobiologistes à cette époque. Remi a découvert et testé ses techniques qui prônent avant tout l’autonomie de la ferme. Au début des années 2000, sur trente hectares, il est cependant difficile de vivre de l’activité agricole. Faut-il agrandir la ferme ? Vera, qui n’est pas issue du milieu agricole, préfère la diversification. Et c’est à partir de 2008 que se développent le gîte, la transformation du lait à la ferme, les colis de viande et la vente de pommes de terre (un demi-hectare), de jus de pommes et de sirop de poires.
La ferme compte 35 hectares de terre agricole pour un élevage d’une trentaine de vaches adultes. Remi élève une race rustique du pays de Herve, la « blanc dos » qui a un caractère mixte, ce qui signifie qu’elle produit du lait tout en valorisant bien la viande. Remi ne pratique plus l’insémination : un taureau s’occupe des saillies, ce qui est plus facile à gérer. Les mâles peuvent cependant devenir agressifs, c’est alors le moment de les valoriser en colis de viande. Chaque année, quelques taurillons sont également engraissés pour être vendus en colis. Nourris sainement, les animaux rencontrent peu de problèmes de santé. Les frais vétérinaires sont quasiment inexistants.
Le troupeau est nourri grâce à la bonne herbe des prairies permanentes et temporaires. Ces dernières sont composées de mélanges de légumineuses et graminées (Sencier n°4). Les légumineuses sont sélectionnées pour éviter la météorisation, gonflement du rumen pouvant provoquer la mort du bétail. Un complément de céréales est fourni grâce à deux hectares de cultures de triticale – avoine – pois, le mélange modèle des agriculteurs biologiques. Les céréales sont conservées en boudin et distribuées à raison d’un kilo et demi par tête et par jour. Elles sont cultivées sur une même parcelle pendant deux ans avant de céder la place aux prairies temporaires. Remi est autonome pour l’alimentation de son troupeau, mis à part l’achat occasionnel de compléments pour les jeunes veaux et des minéraux de base mélangés avec les céréales. Il souhaite encore produire un fourrage plus protéiné pour mieux équilibrer la ration. Plus question d’acheter des aliments extérieurs : les cas de mélasse contaminée aux hormones et à la dioxine montrent que l’intérêt des fournisseurs d’aliments repose davantage sur l’aspect financier que sur la qualité. En cultivant lui-même ses céréales et en composant ses mélanges de minéraux à partir de sels de base, Remi peut être sûr de la qualité des aliments donnés à son troupeau.
Bien nourries mais pas « poussées », les vaches produisent en moyenne 4.500 litres à 5.000 litres par lactation. La majorité du lait est reprise par la laiterie coopérative Arla (anciennement Walhorn), tandis qu’environ 5 % va aux veaux et 10 % à la transformation. Chaque semaine, Vera utilise 140 litres de lait pour la confection de yaourts nature ou parfumés, 60 litres de lait pour la maquée nature ou aux herbes, 6 litres pour la réalisation de puddings et elle produit également une vingtaine de fromages frais épicés. La transformation est réalisée dans un conteneur aménagé, installé dans la cour de la ferme. Le contenant et le contenu ont été achetés en occasion ou récupérés, ce qui en fait un investissement relativement léger pour la ferme. La gestion de la température dans le conteneur en hiver ou en été est sans doute le seul grand problème outre l’espace assez restreint mais suffisant pour une transformation à petite échelle. Environ trente heures sont consacrées à la transformation chaque semaine, auxquelles il faut ajouter les livraisons diverses.
La commercialisation est réalisée via différents canaux. Un frigo est accessible en libre-service à la ferme. De jour ou de nuit, les clients peuvent venir chercher leurs produits. Ce système basé sur la confiance permet l’économie d’une permanence à la ferme et fonctionne très bien. La ferme fournit également des groupements d’achats communs, des magasins bio et un grossiste, Ecodis, qui rend disponibles les produits de la ferme un peu partout en Wallonie. Les yaourts et puddings sont conditionnés dans des pots en verre qui sont cautionnés, Vera les nettoie entre chaque utilisation. Il y a peu de gaspillage à la ferme de Neubempt : les produits sont réalisés sur commande, donc, il n’y a presque pas d’invendus.
Remi et Vera sont heureux de leur diversification. Elle leur permet de mieux valoriser leur travail. C’est toujours un plaisir de transformer du lait en bons produits, de rencontrer les consommateurs et leur faire découvrir le fruit du travail dans la ferme. Leurs choix sont basés sur ce qu’ils aiment faire davantage que par un intérêt économique. Et la demande est présente ! Des difficultés ? La transformation et la vente demandent beaucoup de travail, c’est surtout le temps qui manque et non les débouchés ! Point de vue sanitaire, les contrôles AFSCA ne sont pas toujours faciles et l’information, pas toujours accessible. Des projets ? Tout plein ! Remi et Vera se lancent dans l’autoconstruction écologique d’un second gîte, d’un local de transformation plus spacieux et d’un magasin à la ferme qui pourrait proposer également d’autres produits locaux. Et les clients demandent aussi des légumes… Souhaitons leur bonne chance et longue vie à la ferme de Neubempt !