Connaissez-vous l’histoire de Marguerite, la vache ?
Partie 2 : Une fiction… mais une histoire que nous avons déjà vécue !
Le scénario raconté dans la partie 1 pourrait-il se produire ? La Wallonie délèguera-t-elle son alimentation à d’autres régions du monde où elle est produite à moindre prix ? Ce serait difficile à croire, et pourtant, cette histoire, nous l’avons déjà vécue ! Petit retour en arrière…
Nous sommes dans le village de Les Tailles, à deux pas de la Baraque Fraiture, sur les hauteurs de l’Ardenne. Niché à 600 mètres d’altitude, c’est le village le plus haut de Wallonie, doté d’un microclimat rigoureux et d’un sol difficile à travailler. Une poignée d’irréductibles ardennais a pourtant décidé de s’installer dans cette région isolée entre bois, landes et tourbières.
Lors de la création des cartes de Ferraris au 18ième siècle, le Comte du même nom décrit le village : « Le sol, qui y est généralement pierreux, est meilleur pour la crüe des bois, que pour la culture des terres ; car la récolte ne consiste qu’en très peu de seigle, d’avoine et de pommes de terre. La plupart des habitants vivent cependant fort à leur aise du produit de leur laitage, et des bestiaux qu’ils engraissent. Les prairies ne produisent que de mauvais foin étant presque toutes marécageuses, et les bruières ne sont en partie cultivées que tous les ving-cinq à trente ans ». Les cartes illustrent la présence de cultures sur tout le pourtour du village et l’activité du Moulin des Tailles le long du ruisseau.

« Les prairies ne produisent que du mauvais foin étant presque toutes marécageuses »… Le drainage des prairies après-guerre a permis d’en augmenter la qualité. Les parcelles représentées sur la photographie étaient anciennement cultivées en céréales.

Carte de Ferraris illustrant le village de Les Tailles en 1777. Une zone tourbeuse et de prairies marécageuses occupent le cœur du village (zone verte). Au-delà des routes se situent les cultures (vert ou orange hachuré), et au-delà encore, les landes et bois. Le Moulin des Tailles situé au bord du ruisseau Martin Moulin est localisé par la pastille rouge. On voit également au bord des routes des vergers pâturés bordés de haies et des potagers. Les carrés rouges représentent des constructions (maisons, étables, église…). Aujourd’hui, les cultures sont devenues des prairies.
En 1766, on recensait plus d’une centaine d’habitants dans le village (actuellement, environ 250). La moitié étaient agriculteurs – on les appelait même « laboureurs » – ils étaient 53 (contre 6 actuellement, dont 4 pensionnés). D’autres villageois étaient charpentiers (4), charrons (4), cordonniers (2), maréchaux-ferrants (3), horloger (1), tisserands (4), teinturier (1), meuniers (3), boulangers (2), tanneur (1), boutiquiers (3)… et seulement 3 personnes étaient sans revenus !
La seconde guerre mondiale fut un événement poignant pour le village : morts, destructions… Et comme le reste de l’Europe après-guerre, le paysage agricole a ensuite été bouleversé. Le moulin des Tailles a cessé définitivement ses activités suite à l’abandon de la culture des céréales, qui ont laissé la place aux élevages de vaches laitières. Ces dernières ont à leur tour, il y a quelques années, été remplacées par des vaches allaitantes qui aujourd’hui pâturent les terres agricoles. La plupart des éleveurs sont pensionnés, sans repreneur… Que deviendront les paysages dans quelques années à peine ?

Elevage de limousines qui ont remplacé les laitières sur les prés du plateau des Tailles.
Un seul motif a précipité la régression de l’agriculture dans le village de Les Tailles : la rentabilité. Le développement des transports a permis de faire venir de l’alimentation produite plus facilement, à de meilleurs rendements et moins cher ailleurs. Le « mauvais foin » ne permettait pas d’élevage laitier assez rentable, et l’élevage allaitant est aujourd’hui davantage une passion, « parce qu’on aime ça », « parce qu’on l’a toujours fait » et « parce qu’on est nés dedans », qu’un gagne-pain.
Oui, les ardennais ont délégué une grande partie de la production agricole à l’autre bout de la Belgique… et demain, avec la mondialisation galopante, ferons-nous de même avec l’autre bout… du monde ? Les consommateurs continueront ils leur course folle au bas prix ? La spécialisation agricole des régions s’étendra-t-elle au globe terrestre ?
Partie 3 : Des solutions locales pour une crise globale : soutenons nos agriculteurs !
Trouvons aujourd’hui des solutions pour le monde de « Demain » ! Rencontrons Léa et Pierre et envisageons un autre récit, un nouvel avenir pour le lait wallon. Car n’oublions pas que le consommateur, par ses choix, sera toujours maître de son alimentation ! Nous voulons de la qualité et du local, une agriculture créatrice de liens et rémunératrice pour ceux qui consacrent leur vie, avec beaucoup de passion, à nous fournir des aliments sains.
Rendez-vous à nos rencontres citoyennes sur le sujet en avril, mai et juin 2016 !