En ce début d’année 2016, le secteur agricole vit des moments difficiles. Les prix des produits agricoles sont au plus bas, notamment dans le secteur laitier et pour la viande porcine. Les agriculteurs font le dos rond et partagent des inquiétudes sur l’avenir, notamment des jeunes. Malgré ce contexte alarmant, l’Union des Agricultrices Wallonnes a choisi, comme thème de son congrès annuel, de discuter des relations entre agriculteurs, citoyens et médias. Les agricultrices souhaitent donner une meilleure image de leur métier, car la vision des citoyens et les informations relayées par les journalistes, instituteurs… sont souvent loin des réalités de l’agriculture wallonne. Un sujet que tiennent à coeur les agricultrices de l’UAW, qui ont par ailleurs décidé d’en faire le fil conducteur de leurs activités en 2016. Une bonne nouvelle !
Remi MER, consultant indépendant en France, a partagé avec l’assemblée son expérience en termes de communication entre agriculteurs et citoyens. Selon lui, « il faut passer du problème au projet, du conflit à la coopération, de la méconnaissance à la re-connaissance ». Il est dés lors nécessaire d’initier des rencontres entre agriculteurs et consommateurs, reposant sur la transparence, l’empathie, l’ouverture à l’autre, l’écoute, l’authenticité, la crédibilité, le dialogue, l’interactivité, le respect, le partenariat.
« il faut passer du problème au projet, du conflit à la coopération, de la méconnaissance à la re-connaissance »
Le constat de Monsieur MER est identique aux conclusions de nos consultations citoyennes sur le thème de la relations éleveurs-riverains : l’image de l’agriculture chez le consommateur est biaisée. Elle est soit « nostalgique, traditionnelle, bucolique, idyllique… » car elle se réfère au passé, ou est édulcorée par les médias, publicités, marketing… Ou alors, elle est négative, basée sur les crises, accidents, fraudes, catastrophes relayées par la presse ou par des relais d’opinions jouant sur la peur, avec des effets importants sur le regard que portent les consommateurs vers les producteurs de leur alimentation.
Par le passé, les citoyens étaient connectés au monde agricole qu’ils côtoyaient. Aujourd’hui, nous vivons dans une société urbanisée et médiatique ou le lien avec l’humain a tendance à se perdre. Si autrefois, l’alimentation se jouait au niveau local, actuellement, elle est mondialisée. Si du temps de nos parents et grands-parents, l’agriculture et l’artisanat étaient à la base des activités économiques, nous avons évolué vers une société de service dans les secteurs du tertiaire voire du quaternaire. Enfin, si le matériel et le concret dominaient auparavant, nous sommes passés à une société où dominent l’immatériel, le virtuel. Le monde a bien changé !
Ainsi, pour le citoyen lambda, un champ est assimilé à un espace vert, une plante cultivée, à une plante verte, un animal de rapport qui constitue pour l’agriculteur un outil de travail est perçu comme un animal de compagnie.
Cette déconnexion est importante, aujourd’hui, entre citoyens et agriculteurs. Trois voies sont possibles face à cette situation : (1) le conflit, l’opposition, qui mène à des procès, à des litiges ; (2) la fuite en avant, le repli sur soi, l’isolement, solution temporaire menant le plus souvent au conflit ; et (3) la coopération, le vivre ensemble, la communication relationnelle. Comme nous en avons conclu dans le dossier des relations entre éleveurs et riverains, le dialogue est la solution incontournable pour apaiser les tensions, et l’information du citoyen est indispensable afin de rétablir une image juste de l’agriculture.
S’il est difficile pour nos agriculteurs et agricultrices de reprendre le contact avec un citoyen désinformé, d’être confronté aux difficultés potentielles du dialogue et à des reproches, des incompréhensions, il est indispensable de retrouver une confiance en soi, aux autres et en l’avenir.
La question du « comment communiquer » a été soulevée. Au jour d’aujourd’hui, le citoyen lit moins le journal, regarde moins la télévision mais est hyper-connecté aux réseaux sociaux. L’information se fait par des brèves au titre court et accrocheur afin d’attirer l’attention d’un public souvent accroc au fil d’actualité. La qualité de l’information semble se détériorer : il y a moins de dossiers (ils ne sont pas lus !), et l’attention est le plus souvent retenue par les commentaires laissés sur les articles par les internautes, qui d’un coup de clavier peuvent s’improviser critiques de presse ou experts en la question. De nombreuses émissions de télévision à charge, reposant sur la peur, sont diffusées. Le monde est devenu méfiant, attentif à la prochaine arnaque. Dans ce contexte, établir ou rétablir la confiance est devenu difficile.
Les agricultrices, avec beaucoup de courage, ont décidé de se lancer dans le processus de la reconnexion. Accompagnons-les dans leur démarche, soyons à leur écoute, dialoguons !