Voici le témoignage d’Olivier Senterre, producteur de légumes à Braine l’Alleud. Il nous relate son expérience, et les difficultés d’installation de nouveaux projets agricoles où l’accès à la terre constitue un frein considérable.
Depuis toujours, je rêve de devenir fermier comme mon grand-père qui m’a refilé le virus. Depuis 1995, je développe une activité de culture de potirons qui est aujourd’hui en conversion vers le maraichage bio avec des haricots, courgettes et bientôt d’autres légumes. Evidemment, en plus des difficultés liées au métier lui-même, devenir fermier lorsqu’on ne dispose d’aucun matériel ni de bâtiments n’est pas simple, à moins d’avoir gagné au lotto. La plus grosse difficulté est pourtant ailleurs: l’accès à la terre! Voyez plutôt…
Je suis propriétaire de 2 hectares et demi de terres occupées sous le régime du bail à ferme et j’en ai besoin. Pour rompre ce bail, il faut que je sois agriculteur à titre principal (aussi bien au niveau de mon temps de travail que de mes revenus). Difficile à réaliser sans disposer de terres stables…
Ne pouvant pas récupérer ces terres, j’ai loué des parcelles à l’année. Comme une certification bio ne peut s’envisager que sur une occupation à long terme, ma conversion était inenvisageable.
En 2012, j’ai eu l’opportunité de louer une parcelle de 80 ares à proximité de mon siège d’exploitation à Braine-l’Alleud, puis une autre de 40 ares. Comme le bail à ferme est un véritable épouvantail pour les propriétaires, j’y ai signé une convention d’occupation précaire reconductible d’année en année. J’ai donc entamé la conversion de ces parcelles vers le bio.
Malheureusement, la Commune Braine-l’Alleud a décidé de racheter la plus grande parcelle au prix fort (2x le prix du marché) en exigeant mon éviction au préalable. Résultat: je perds la moitié de la superficie de mon exploitation et ma certification bio que j’avais fraîchement et durement obtenue. De plus, comme je n’avais pas pu maintenir mes parcelles en bio durant le minimum requis de 5 ans, j’ai du rembourser l’ensemble des primes perçues pour ma conversion.
Parallèlement à tout cela, on entend qu’il faut encourager l’agriculture biologique, les circuits courts, l’alimentation saine, une agriculture à taille plus humaine…
La réalité est toute différente: un petit exploitant à titre complémentaire subit des redevances disproportionnées par rapport aux grosses exploitations. Il n’a pourtant accès à aucun subside – j’avais fait la demande de prime pour mes investissements en matériel agricole (70.000€ d’investissement quand-même) et ma demande a été refusée car je ne suis pas agriculteur à titre principal ! – et n’a aucun droit d’accès à la terre même si ses besoins sont minimes.
Après des décennies de disparition systématique des petites exploitations au profit de plus grosses, il y a aujourd’hui de la place pour des micro-exploitations pour répondre à la demande des nouveaux consommateurs qui se défient des géants de l’agroalimentaire. Ces nouvelles exploitations peuvent s’organiser et trouver leur clientèle grâce aux nouvelles technologies de l’information. Elles disposeront de plus en plus de machines spécialisées et abordables, même pour des petites superficies. Elles peuvent être un gisement d’emploi et de bien être pour la société toute entière en réinstaurant son lien avec la nature.
Aujourd’hui, ces nouvelles exploitations ne voient pas le jour à cause de règlementations aveugles.
Il faudrait donc assouplir l’accès à la terre pour le maraîchage bio surtout pour les 3 ou 5 premiers hectares. Ce ne sont ni les candidats maraîchers, ni les clients qui manquent, ce sont des terres stables pour les petits cultivateurs…
Olivier Senterre, La Potironnerie (Braine l’Alleud)